Jean Clemmer

Jean Clemmer est né à Neuchâtel, en Suisse, le 24 mars 1926, il arrive onze mois après son frère aîné André, il sera donc second d’une fratrie de deux. Ses parents sont des gens modestes, son père est cadre dans les chemins de fer suisses, sa mère reste au foyer.
Rien ne prédestinait Jean à faire une carrière artistique, mais très tôt il commence par aborder les arts à travers le violon, il ne le quittera jamais et toutes les occasions seront bonnes pour faire glisser l’archet sur les cordes, la mu-sique l’accompagnera à chaque instant de sa vie.
Ses études ne seront jamais « studieuses », il ne s’intéressera qu’aux matières artistiques, quel qu’elles soient pourvu que son imagination puisse s’exprimer, travaux manuels, couture, dessins, en Suisse on cultive très tôt chez les enfants leur créativité.

En 1941, il entre à l’âge de 15 ans à l’Ecole des Beaux Arts de la Chaux-de-Fonds d’ou il sortira, quatre années plus tard en 1945, avec un diplôme de joaillier, tout en travaillant à des recherches personnelles autour de la peinture, du dessin, de la décoration.


En 1946, son devoir de citoyen l’appelle, il entre 4 mois dans l’infanterie, puis fera des périodes de 3 semaines comme l’oblige la loi suisse jusqu’en 1963.
En sortant du service militaire, il s’installe quelques temps à Genève ou il sera décorateur du Grand Théâtre, mais il s’ennuie vite et rêve de « gagner » la capitale française.

En 1948, il monte à Paris, le Paris d’après guerre, le Paris tout-permis, le tout-Paris.
Il se lie facilement d’amitié avec Cocteau, Zadkine, Louise de Vilmorin, Jacques Fath,
Marcel Rochas en cette période bénie de Saint Germain des prés, son physique d’Apollon, son allure, son raffinement, son humour lui ouvrent les portes.
Il réalise des dessins pour l’ameublement, de couvertures de livres, fait des expositions de dessins, de peintures mais il n’arrive pas à en vivre malgré la prolixité de son travail, son frère, qui lui aussi est venu habiter Paris, l’aidera tendrement dans différentes périodes de sa vie.


En 1950, il perd ses parents, il n’a que 24 ans. Il parlera toujours avec beaucoup d’affection de ses parents, de son grand-père, de son enfance paisible et équilibrée.

En 1953, il épouse Irène Letourneau, une jolie fille intelligente et piquante qui tra-vaille au Club Méditerranée, elle comprendra son art jusqu’au bout, leur ligne de vie commune sera pavée de pointillés, de points d’interrogation, et de points d’exclama-tions.
Ils n’auront pas d’enfant, Jean le regrettera, Irène dira qu’il était son « grand enfant ».


En 1962, il commence à s’intéresser à la photographie, et installe son studio
9, Place de la Madeleine au 8ème étage, puis dans deux magnifiques caves à la même adresse.
Pour accéder à ses caves il fallait suivre de longs couloirs que Jean avait humanisés en y « plantant » des tulipes en plastique aux couleurs vives.
Lors d’un reportage pour le Club Méditerranée à Figueras il provoque la chance en sonnant à la porte de Salvador Dali, le contact est immédiat, l’amitié réciproque, le fluide artistique donnera l’occasion de rencontres aussi délirantes que riches en résultats.
Ils commencent un moyen métrage «Le Divin Dali» qui ne verra pas le jour.
Mais leur amitié les suivra jusqu’à la mort de Dali en I989.

Toujours en 1962, il rencontre Paco Rabanne, jeune couturier, avec qui il publiera en 1969 un livre « NUES ».

En 1970, la société Canon lui offre une valise avec six objectifs ce qui représente la consécration de son art de photographe. Une exposition suivra à Paris, puis Amsterdam et Tokyo.

Il fait plusieurs reportages à travers le monde, pour le Club Méditerranée, Swissair,
Africa Tour…

Jean réalisera des choses très différentes tout au long de sa vie, pour assouvir sa soif de créateur il veut aussi faire un film, il passera plus d’un an à rédiger, à dessiner, à confectionner, une version érotique de « Robinson Crusoë » l’ensemble restera au stade de projet, mais l’aura fait rêver longtemps car plusieurs personnes s’y sont intéressées.

Malgré les déceptions, son tempérament optimiste le fait rebondir à chaque fois, sans doute avait-il une telle joie de créer qu’il considérait que chaque expérience est richesse, et aussitôt il s’enclenchait au galop sur de nouvelles perspectives.

Au début des années 80, il doit quitter la Place de la Madeleine, car Lucas Carton veut récupérer ses deux caves pour y mettre tout bonnement son vin.
Jean est désemparé mais finira par trouver un charmant studio rue Barbette dans le Marais, à côté de la rue de Sévigné ou ils habitent avec Irène. Il y a une petite cour charmante qui lui sert d’exutoire et lui rappelle son enfance.
Il y prépare diverses expositions, Espace Dali à Montmartre Paris, Exposition à Washington, Exposition Enviedart.com Paris.

Depuis, la fin des années 8O jusqu’à la fin de sa vie, il se passionnera pour les « Métamorphoses », travail qui constitue à mon sens son œuvre majeure et la plus méconnue.
Les Métamorphoses » sont des superpositions de photos (diapositives) sur les différents thèmes qui l’ont accompagné toute sa vie, Dali, Paco Rabanne, la nature, l’architecture, thèmes qu’il associe à des corps de femmes nues, créant de véritables tableaux surréalistes.

Fin des années 90, Jean se sait malade, sans jamais prononcer le mot de cancer. Sans doute que les longues années passées dans les caves de la Madeleine, et les Gauloises sans filtre ont eu raison de ses poumons.
Malgré la fatigue, il continuera de créer, surtout de dessiner dans sa maison de Trouville-sur-mer, qu’ils ont acheté avec Irène en 1984. Il passe ses journées sur la plage à « croquer » à la mine de plomb des scènes de bords de mer.

Le grand air, sa volonté et sa force l’aideront à réaliser au « Vert Galant »
Quai des Orfèvres, une dernière exposition cette série de dessins.
Vernissage le 17 juillet 2OO1, le 19 il entre à l’Hôpital Georges Pompidou, Jean quitte ce monde le 24 Août 2OO1 à 15h emportant avec lui des milliers d’autres projets.


Texte d’Hélène Clemmer-Heidsieck, nièce et inconditionnelle de l’œuvre de Jean Clemmer